Primaire Les projets des candidats de la gauche
À quelques jours du scrutin des 22 et 29 janvier, les programmes des sept en lice sont pleins de bonnes intentions. On attend les déclinaisons concrètes…
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Les agriculteurs ne constituent pas un électorat traditionnel de gauche. Et pour le moment, l’agriculture n’est pas un sujet majeur de discussion pour les candidats à la primaire de la « Belle alliance populaire », nouvel étendard socialiste pour l’occasion. À leur décharge, aucun débat télévisé n’avait abordé le sujet lors de la primaire de la droite et du centre (lire la FA du 18 novembre 2016, page 14). Mais plus surprenant, les sept en lice restent, dans leurs projets succincts, au stade des grands enjeux.
Il est vrai que la campagne se joue en accéléré pour cause de retrait tardif de François Hollande. Mais quel que soit le vainqueur des scrutins des 22 et 29 janvier prochains, l’accès au second tour de la présidentielle s’annonce difficile. En attendant, déclarations, programmes et coulisses permettent, malgré eux, de se pencher sur leurs projets.
1 Soutenir socialement les entreprises
Le gouvernement socialiste en place a voulu faire de la politique de l’offre son cheval de bataille. Et son soutien aux entreprises via le dispositif du crédit d’impôt pour la compétitivité d’emploi (CICE), vécu par les frondeurs comme une mesure faite au détriment des ménages, lui a souvent été reproché. Les candidats à la présidentielle ont choisi d’en prendre le contre-pied et de miser sur un traitement avant tout social de l’économie. L’ancien ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation, Benoît Hamon, prône ainsi la mise en place d’un revenu universel d’existence de 750 euros (à terme) et veut « repenser la place qu’on accorde au travail dans l’épanouissement des individus ». Favorable à l’idée, Jean-Luc Bennahmias souhaiterait l’adapter aux agriculteurs.
Autre posture avec Arnaud Montebourg qui, lorsqu’il était ministre du Redressement productif, avait retenu la « chimie verte » parmi sa trentaine de plans de « reconquête industrielle ». Il souhaite désormais baser la notion de compétitivité sur la qualité de la production. Vincent Peillon mise aussi sur cette valeur ajoutée, pour rendre les exploitations plus compétitives et une meilleure maîtrise des charges (intrants, matériel…). Il souhaite en outre une agriculture plus solidaire et collaborative (Cuma, gestion partagée…).
L’ex-premier ministre Manuel Valls veut continuer, quant à lui, « à soutenir les entreprises », et rappelle que la gauche n’est pas leur ennemie. La méthode reste cependant floue. S’il devient chef de l’État, il mettra en place, pour tout créateur d’entreprise, un prêt à taux zéro sans remboursement les premières années. Il prévoit aussi d’augmenter la prime d’activité et de créer « un revenu décent » d’environ 800 euros, sous conditions de ressources.
Sylvia Pinel supprimera la cotisation des entreprises à la branche famille de la sécurité sociale si elle est élue, ainsi que le CICE. François de Rugy privilégiera une baisse globale des cotisations salariales et patronales.
2 Réguler les marchés
Au niveau européen, les candidats entendent protéger les agriculteurs et la société en général. D’abord, en s’opposant aux accords internationaux de libre-échange ou, a minima, en excluant des négociations en cours les filières françaises « sensibles », comme la viande bovine. Puis en agissant sur les marchés. Jean-Luc Bennahmias prône ainsi « une politique ciblée à l’encontre de prix ou de marchandises mettant en danger notre continent » et vise l’autosuffisance alimentaire.
Arnaud Montebourg préfère parler de souveraineté alimentaire et insiste sur la nécessité de stabiliser les revenus à un niveau « suffisamment rémunérateur ». Cela passera par une politique agricole qui régule les prix. Or, « les éléments de régulation ne sont pas que budgétaires mais réglementaires », juge-t-il. En clair, stop à la « politique folle de libéralisation des prix » qui supprime « des centaines de milliers d’emplois à la production ». Il veut remettre à plat le dispositif d’assurance climatique (seuil d’indemnisation, année de référence, capitaux à assurer…), tout en le rendant obligatoire. C’est toutefois par l’établissement de normes au niveau communautaire, bien plus que par des dispositifs assurantiels, que l’on pourra protéger nos marchés, prévient-il. Vincent Peillon refuse le « dogmatisme » et propose de mixer les dispositifs. « Pour gérer les crises, en plus des outils classiques (stockage, intervention…), il faut explorer l’approche contracyclique », affirme-t-il. Et pour la gestion des marchés, il compte développer le volet assurantiel. Manuel Valls, lui aussi, veut offrir aux agriculteurs de véritables filets de sécurité et « réinventer les régulations ».
Les intentions sont là mais les moyens restent à clarifier. Il en va de même de leurs positions sur les aides Pac. Les candidats souhaitent unanimement les réorienter. Benoît Hamon veut dédier 400 millions d’euros de la Pac à la promotion du modèle agroécologique. Sylvia Pinel prône la prise en compte des unités de main-d’œuvre présentes à la ferme et les pratiques « vertes ».
Vincent Peillon veut réserver les aides Pac aux petites et moyennes exploitations. Il souhaite soutenir les modes d’élevage « moins intensifs », les démarches de qualité (IGP, AOP, bio…), les circuits courts et toujours les pratiques « vertes » (stockage du carbone, agroforesterie, cultures intermédiaires, bandes enherbées…). Pour les grosses exploitations, fini les aides, tranche-t-il. Elles ne devront plus compter que sur les outils de régulation des marchés et de gestion des crises. Arnaud Montebourg raisonne lui aussi qualité, emploi et territoire. Il propose un recouplage des aides en fonction de la taille des fermes par actif, des modes de production vertueux ou encore des emplois créés par la relocalisation des productions. Vincent Peillon et Arnaud Montebourg entendent ainsi redonner du sens à l’impôt.
Tout comme Benoît Hamon, ils mettent l’accent sur l’installation, en lui affectant un budget Pac conséquent (dans le cadre du premier pilier) et par l’adoption d’une loi foncière nationale qui limiterait la taille des exploitations pour faciliter les reprises. Quant à François de Rugy, l’agriculture et la Pac ne sont pas une seule fois mentionnées dans son programme de 73 pages. Ses pistes pour le secteur, il faut les chercher du côté de l’écologie.
3 Préserver les ressources et la santé
Le candidat le plus vert de cette primaire souhaite ainsi imposer des critères écologiques dans les marchés publics et du bio (25 % minimum) dans toutes les GMS, tout en traquant les niches fiscales jugées anti-écolo. Il simplifierait le mille-feuille administratif en matière de protection de l’environnement, réduisant les zonages à trois types : zones d’« initiative citoyenne », de « protection » et de « reconquête ». Enfin, il ferait de la condition animale une « grande cause du quinquennat »… Ce sujet interpelle aussi Benoît Hamon, qui promet un « plan contre la maltraitance animale », et Vincent Peillon, qui renforcera les contrôles en abattoirs et la formation des personnels.
Toutefois, c’est surtout la santé environnementale qui préoccupe. Manuel Valls en ferait une « grande cause nationale » et organiserait une conférence environnementale dès l’automne 2017 pour fixer une feuille de route. Au menu : les pesticides mais aussi les particules fines. Il ne s’engage pas sur l’interdiction de molécules, contrairement à Benoît Hamon qui interdirait « immédiatement les pesticides dangereux et les perturbateurs endocriniens », comme l’importation de denrées contenant une substance interdite en France. Même combat, en version modérée, chez Vincent Peillon, qui se battrait pour interdire complètement les néonicotinoïdes en Europe et durcir la réglementation européenne sur les perturbateurs endocriniens. Pour Arnaud Montebourg, les « pesticides les plus problématiques » seraient interdits pour le label « Qualité France » qu’il prévoit de créer. Ces deux candidats se montreraient également vigilants sur la question de la propriété du vivant, sujet également évoqué par Sylvia Pinel, qui prône une agriculture respectueuse, entre autres, de la biodiversité domestique. Si tous les candidats s’engagent, chacun à leur manière, à soutenir la bio et l’agroécologie, le projet de Jean-Luc Bennahmias paraît le plus utopique, avec l’objectif d’une « agriculture sans pesticides ni intrants ». Voilà, c’est dit.
4 Repenser la chaîne alimentaire
La plupart des candidats affirment par ailleurs leur volonté de développer une distribution alimentaire de proximité. Avec plus ou moins de précisions quant à la marche à suivre. Sylvia Pinel évoque, par exemple, « des actions nationales et régionales », sans davantage de détails. Si Jean-Luc Bennahmias se contente de vouloir « renforcer les structures de circuits courts telles que les Amap », Vincent Peillon va jusqu’à proposer d’obliger les commerces ruraux à vendre en priorité la production locale. Même idée pour la grande distribution, avec François de Rugy, qui suggère un « pacte concerté mais contraignant », fixant des objectifs de vente « selon la proximité géographique des fournisseurs ». Benoît Hamon appuie de son côté sur la notion d’autonomie alimentaire en encourageant la création de « ceintures vertes » autour des villes pour les approvisionner. Il veut pour cela intégrer des critères liés aux cultures maraîchères en zones périurbaines dans l’examen des dossiers de reprises d’exploitations.
Quant à Arnaud Montebourg, il souhaite accompagner la mise en réseau de tous ces circuits. L’ancien ministre du Redressement productif se dit aussi prêt à instituer une mission interministérielle sur la question de l’alimentation. Il insiste surtout sur son projet de créer un signe officiel « Qualité France », notamment pour approvisionner la restauration collective. Cette question de l’origine taraude aussi Vincent Peillon, qui prône des mentions obligatoires « sur les origines et les modes de production » et veut généraliser l’étiquetage des produits utilisés comme ingrédients dans les plats transformés « à partir de 2019 ».
Concernant les relations dans la filière agroalimentaire, les sept postulants peinent à sortir des vœux pieux pour une « juste répartition des marges » ou un rééquilibrage des forces en présence. Même si l’exercice semble vain, Manuel Valls promet de « continuer à réunir toutes les parties prenantes : grande distribution, banques, organisations professionnelles », pour lever les difficultés structurelles. Il engagerait aussi une « initiative européenne » sur la question de la concurrence, « pour ne pas laisser les producteurs en état de soumission constante face aux acteurs de la distribution ». Là encore, des précisions sont attendues.
Pour Vincent Peillon, le salut passe par un nouveau cadre législatif permettant de « renforcer la position des agriculteurs, limiter les concentrations, privilégier les organisations de producteurs et renforcer les contrats, notamment en inscrivant les coûts de production ». Une loi de plus pour un secteur qui les collectionne ? L’annonce risque de mal passer chez les acteurs de l’aval. Tout comme celle d’Arnaud Montebourg, qui propose de fixer des prix minimum d’achat des denrées à l’agriculteur, « comme il existe un salaire minimum ». Ou celle de Sylvia Pinel qui veut « réduire les marges bénéficiaires des intermédiaires pour améliorer la rémunération des producteurs ».
Tous se posent en défenseurs du monde agricole mais manient mieux les discours théoriques que leur mise en pratique. L’approche est résolument sociale et sociétale. Les sept candidats visent au-delà du seul électorat agricole : c’est à la société tout entière que s’adressent ces programmes.
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